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mercredi 24 octobre 2018

LANCEMENT DES ACTIVITÉS ACADÉMIQUES 2018-2019

LEÇON INAUGURALE.


        Thème : « Individu et communauté à partir d’une lecture d’Édith Stein. »





Le conférencier ( à droite ) et le modérateur


            Après la rentrée pédagogique effectuée le 17 septembre 2018, suivie des installations, eurent lieu la retraite de début d’année et la session de lancement des activités. C’est dans cette perspective de lancement des activités que s’est tenue le lundi 01er octobre 2018, la leçon inaugurale dans l’amphithéâtre de l’USTA. Comme son nom l’indique, cette leçon a marqué le début des activités académiques 2018/2019. Elle a été assurée par le docteur Frédéric N’DO, père carme, sur le thème « Individu et communauté à partir d’une lecture d’Édith Stein ». Sous la modération du docteur Gustave SAWADOGO, elle connut la participation de tous les trois cent six (306) étudiants et étudiantes, quelques enseignants intervenant dans la dispensation des cours au sein de l’USTA, faculté des sciences de l’homme et de la société/ filière de philosophie. Ce fut un brillant exposé et nous vous proposons ci-dessous l’intégralité de la conférence. Agréable lecture et merci de nous faire parvenir vos éventuelles questions.


Quelques formateurs



« Individu et communauté à partir d’une lecture d’Édith Stein »

L’idée de la connaissance de soi et de la formation d’une identité propre semble de plus en plus s’estomper dans une société pluraliste et progressiste. De fait, le désir profond de me connaître moi-même peut, de principe, se retrouver relativisé et se transformer par la suite juste en une velléité quelconque dans une société pluraliste pour la simple raison qu’il est quasi impossible d’éviter l’influence de tant de singularités personnelles autour de moi. D’autre part, le désir de vivre, d’agir, de penser et comprendre les personnes ainsi que les choses conformément à mon identité propre se trouve confronté à une certaine évolution culturelle qui me contraint à être permanemment à la recherche de « nouvelles » valeurs avec la forte propension à abandonner les « anciennes ». Devant une situation pareille, l’on ne peut que se sentir désorienté – rester sans repères – dans ses relations sociales, surtout lorsqu’on a en face de soi des idéologies politiques qui visent à imposer une vision unique de la société ou du monde à tous en dépit du fait de voir, sentir, percevoir et concevoir les choses d’une manière différente.
Une possible solution à cette désorientation ne consiste certainement pas à ignorer purement et simplement mon désir de me connaître moi-même et de construire une identité propre face à la complexité des relations sociales qui s’accompagne de celle politique. Il est plutôt convenable d’envisager la possibilité de satisfaire ces désirs dans la conjoncture socio-politique dans laquelle je me retrouve de façon involontaire. De fait, autant la personne humaine ne saurait échapper ou faire fi de sa condition voire essence socio-politique qui l’oblige à vivre en relation avec l’autre, autant aucun individu ne pourrait prétendre vivre sans un quelconque engagement dans la communauté dont il est un membre à part entière. Dans ce cas, ce qu’il y a lieu de faire, c’est de réfléchir sur la manière dont la personne humaine ou l’individu pourrait répondre aux exigences inconditionnelles de l’altérité et de la communauté sans porter préjudice à son ipséité et à son individualité respectivement.
Le choix du thème de ma thèse, « Individu et communauté à partir d’une lecture d’Édith Stein », a pour objectif principal, une réponse à ce problème que je viens d’évoquer : comment le moi au travers de l’intersubjectivité peut-il sortir de son solipsisme voire de son égoïsme et, partant, être un individu inconditionnellement engagé dans sa communauté, sans pour autant perdre l’idéal de la connaissance de soi-même et de la formation d’une identité propre à cause des inévitables conditionnements socio-politiques ?


J’aimerais vous présenter le présent thème de la conférence en trois points : 1) L’étude phénoménologique de l’individu et de la communauté chez Édith Stein ; 2) La conception politique de la communauté d’Édith Stein ; 3) Relation de la vision politique steinienne avec le libéralisme et le communautarisme.

1.      Étude phénoménologique de l’individu et de la communauté chez Édith Stein
J’ai voulu présenter l’analyse phénoménologique d’Édith Stein sur l’individu et la communauté en prenant principalement en compte sa conception selon laquelle la psychè d’un individu ainsi que celle d’une communauté présente une double nature : « Elle est d’une part une monade fermée sur soi-même et d’autre part un corrélat du monde, un œil ouvert à tout ce qui se nomme “objet” »[1].
De fait, à partir de son essai intitulé « PsyschischeKausalität », Édith Stein arrive à montrer comment la psychè de l’individu constitue un monde intérieur pour soi-même (“eineWeltfürsich”[2])en comparaison avec la nature matérielle. Il s’agit d’un monde à part qui fonctionne selon ses lois propres, à savoir, la loi de la causalité dans la sphère de la conscience et de la psychè ainsi que la loi de la motivation dans la sphère de la psychè et de tout ce qui est spirituel.
En dépit du fait qu’il soit enfermé ou isolé dans son monde intérieur, la psychè de l’individu est capable de s’ouvrir et être en relation avec l’extérieur à travers les vécus du moi, car elle est aussi un corrélat du monde extérieur.
L’empathie qu’Édith Stein perçoit comme « le fondement de l’expérience intersubjective » est le vécu par excellence qui manifeste la capacité qu’a l’individu de mener une vie décentralisée ; car à partir de l’empathie le moi se rend compte de quelque chose très important : il s’agit du fait de savoir que mon point-zéro n’est qu’un point parmi d’autres points-zéro dans l’espace. Pour cela, ce que je dois faire, c’est de chercher un point-zéro d’orientation au lieu de me considérer comme un point-zéro. C’est à partir de là exactement que le moi apprend à former une unité de vie avec d’autres individus, c’est-à-dire, à construire une vie communautaire.
Ainsi, la conception phénoménologique d’une communauté consiste à la considérer avant tout comme une unité de vie à travers une diversité de vécus tels que les vécus sensoriels et imaginatifs, les vécus catégoriaux et émotionnels.
Avant de montrer comment les vécus s’unissent pour former un flux de vécus communautaires, Édith Stein analyse ce que j’ai appelé préconditions pour réaliser une expérience communautaire. Il y en a trois principalement :
1) Il faut arriver à faire la différence entre un moi individuel et un sujet communautaire.
En général, l’on perçoit la communauté de l’extérieur comme un ensemble d’individus. Cependant un regard phénoménologique permet de la percevoir comme un sujet qui se fait réel à travers les vécus individuels.
2) La différence entre un vécu purement et simplement individuel et un vécucommunautaire.
Phénoménologiquement cette différence se fait en tenant compte de ce qu’on appelle en langage phénoménologique le contenu et le sens d’un vécu, car le contenu ou le vivre et son sens ne peuvent pas être identiques chez l’individu et la communauté.
3) Une troisième précondition pour mener une vie communautaire consistera à prendre conscience que la communauté n’est pas constituée par la somme des vécus individuels, sinon par leur relation interne (innererZusammenhang). Ce qui favorise cette relation ou unité des vécus individuels, c’est leur sens. Si un vécu individuel n’a pas un sens communautaire à travers l’objet dans lequel il trouve son fondement, il ne pourra jamais constituer un vécu communautaire.
D’autre part, l’union des vécus individuels pour constituer les vécus communautaires ou simplement dit, le flux des vécus communautaires, se réalise de trois modes :
1) Le mode d’association : il s’agit d’un mode de connexion des vécus individuels qui s’effectue conformément à ce qu’on appelle les lois d’association utilisées dans plusieurs disciplines telles que la psychologie, la psychanalyse, l’empirisme…Ce mode ne permet pas de percevoir une unité des vécus communautaires. Son rôle consiste à montrer qu’il est possible que les vécus individuels de genres différents entrent en relation les uns avec les autres.
2) Le mode de motivation: à partir de ce mode les vécus individuels qui se connectent selon leurs genres par mode d’association arrivent à s’unir sur la base du sens qu’ils renferment. Ainsi, la motivation à laquelle elle fait référence ici est en relation avec le sens des vécus qui est un facteur motivateur.
3) Le mode de causalité : il existe une unité de vécus individuels par mode de causalité quand un individu parvient à influencer un autre de telle sorte que ce dernier ait le même état psychique que lui. Edith Stein parle dans ce cas de contagion psychique à travers laquelle se réalise un flux d’unité des vécus communautaires.
A partir de la méthode phénoménologique, Édith Stein a réalisé aussi une étude sur la communauté dans le domaine politique. C’est ce que j’appelle sa conception politique de la communauté qui se trouve essentiellement dans son œuvre EineUntersuchungüber den Staat.

2.      La conception politique de la communauté d’Édith Stein
Le contenu fondamental de la conception politique de la communauté chez Édith Stein consiste à considérer l’État sous la forme d’une communauté caractérisée principalement par la souveraineté et le droit. Ainsi, chez elle, il est question d’une communauté étatique pour une raison de principe. En fait, un État est un ensemble de groupes sociaux et de communautés dès son origine. L’existence de l’État est donc postérieure à celle des communautés. De là, Édith Stein dira que l’État n’a pas seulement un fondement sociétaire conformément à la théorie contractualiste du libéralisme ; il a aussi un fondement communautaire.
Si l’État a un fondement ou une base communautaire, il est important d’examiner la possibilité pour que sa structure organique reflète la réalité communautaire. Pour cela, dans son analyse, quoiqu’elle admette que la structure ontique de l’État ne lui permet pas de s’engager dans un conflit moral, elle n’affirme cependant pas la neutralité de l’État dans le domaine moral comme le fait le libéralisme contemporain. Elle conçoit que l’État devrait aider les citoyens à être moralement meilleurs ou contribuer à leur éducation en matière de moralité. Il peut le faire de deux manières :
1) Mettre son ordre juridique au service du bien moral des citoyens en les aidant à surmonter les difficultés qui sont des obstacles à leur orientation vers la moralité. Pour ce faire, il va falloir que les représentants de l’État n’essayent pas d’imposer une idéologie morale à l’État.
2) Edith Stein propose que l’État s’autolimite en donnant la possibilité à des groupes sociaux et communautés d’éduquer moralement leurs individus-membres. Cela suppose que l’État ne légifère pas dans certains domaines.
Un des principes qui peut être souligné dans la conception politique de la communauté d’Édith Stein est relatif à l’autolimitation de l’État. Chaque fois que l’État s’autolimite pour favoriser le développement total de la communauté qu’il réunit et celui de chaque individu de ladite communauté, il n’existe pas un danger pour son existence.
Dans la conception phénoménologique et politique de la communauté d’Édith Stein, l’individu se présente comme un facteur déterminant : la constitution de la communauté se réalise à travers les vécus individuels. De même, pour le bien moral de l’individu, l’État devrait prendre en compte la réalité communautaire dans sa structure organique et constitutionnelle. En examinant cette importance voire indispensabilité de l’individu dans les deux conceptions, je suis arrivé à percevoir que chez Édith Stein l’individu est en lui-même le facteur fondamental de son intégration socio-politique.
D’autre part, j’ai perçu dans l’approche steinienne de l’individu et de la communauté une vision politique qui pourrait entrer en dialogue avec le libéralisme et le communautarisme en tant que doctrine qui défendent respectivement l’individu et la communauté.


Des étudiants.


3) Relation de la vision politique d’Édith Stein avec le libéralisme et le communautarisme

Dans les années 80, un débat a surgi entre philosophes libéraux et philosophes communautariens qui semble opposer l’individu et la communauté dans la défense des droits et libertés de l’individu.
Un des philosophes communautariens qui résume au mieux ce débat est Michael Sandel qui distingue un libéralisme traditionnel d’un libéralisme déontologique dans son œuvre Liberalism and the limits of justice. Le premier concerne le libéralisme développé dans l’ère moderne avec John Locke comme protagoniste et le second se réfère au libéralisme contemporain amplement représenté par la figure de John Rawls. Le débat est beaucoup plus relatif au libéralisme déontologique dans sa conception de la justice.
De fait, dans son célèbre livre A theory of justice publié pour la première fois en 1971, John Rawls défend une justice comme équité (fairness) en vue de résoudre les difficultés de justice engendrées par le conflit pluraliste des doctrines morales, philosophiques, religieuses, etc.
Sa théorie de justice est construite sur la base d’une expérience de la pensée selon laquelle l’ignorance (Veil of ignorance) de notre situation réelle, à la fois biologique et sociale serait la condition sine qua non d’une neutralité indispensable quand il s’agira d’établir des règles de justice ou d’équité.
Une des solutions proposées par John Rawls défend effectivement la neutralité de l’État dans les questions doctrinales et promeut une justice établie de mode constructiviste et formaliste, c’est-à-dire une justice obtenue à partir d’un consensus par recoupement entre des citoyens libres et égaux. Dans ce type de justice, il faut fondamentalement considérer la société comme un système de coopération qui permet à chaque individu d’atteindre ses fins. Aussi, ce type de justice n’a rien à voir avec la question morale et la conception du bien, par conséquent.
Contrairement à John Rawls, les philosophes communautariens, à savoir, AlasdairMacintyre, Michael Sandel, Michael Walzer, Charles Taylor défendent une justice qui prend en compte la réalité de l’identité individuelle et collective qui se trouve dans une communauté, une tradition ou une culture.
Pour résumer le débat libero-communautarien en faisant abstraction des particularités de chaque auteur communautarien, il faut dire qu’il s’agit de savoir si la justice dans un État de droit doit prendre en compte la question morale avec toutes ses implications culturelles et traditionnelles qui sont relatives à la communauté. Un tel débat donne effectivement l’impression de séparer l’individu de sa réalité communautaire en voulant trouver une solution adéquate aux difficultés du pluralisme social. Pour cela, j’ai voulu à partir de la lecture d’Édith Stein donner mon opinion sur ce débat en cherchant à découvrir le lien qui existe entre la structure de l’individu et de la communauté à travers sa conception phénoménologique et politique de la communauté et de l’individu.
Ainsi, en considérant le libéralisme et le communautarisme comme des voies d’intégration socio-politique de l’individu, je suis arrivé à percevoir dans la vision politique steinienne une troisième voie d’intégration socio-politique par rapport à ces deux autres. J’ai appelé cette troisième voie « le tercérisme philosophico-steinien » 
Il ne s’agit pas d’un tercérisme qui rejette les deux autres doctrines à l’exemple des tercérismes politiques. Il s’agit d’un tercérisme éclectique qui cherche à concilier le libéralisme et le communautarisme philosophiques, car l’individu et la communauté ne peuvent être défendus comme s’ils étaient des réalités opposées. Ils sont au contraire complémentaires.
Le tercérisme philosophico-steinien qui est un facteur conciliateur du libéralisme et du communautarisme philosophiques vise surtout à la réalisation d’une intégration socio-politique dans laquelle l’individu est l’acteur principal et l’État est une aide. Ce tercérisme défend trois choses fondamentalement :
1) L’idée d’une communauté étatique dans laquelle l’établissement de la justice ne s’oppose pas ou ne rejette pas complètement une certaine relation avec la question morale qui est liée à la structure communautaire. De cette façon, j’estime que la question de la relation entre justice et morale trouve une réponse équilibrée dans le tercérisme d’Édith Stein.
2) L’idée d’un principe d’autolimitation de l’État qui relativise la souveraineté et l’omnipotence de l’État affirmées dans le concept de « l’État de droit ». Un principe d’autolimitation permet à l’État de se rendre compte que le droit n’est pas son domaine exclusif, car le droit existe dans les groupes sociaux, les communautés et traditions indépendamment de l’existence d’un État. Pour cela toute législation devrait s’enraciner dans l’identité des individus qu’elle veut régir. Cette réalité doit pouvoir permettre à un État de s’autolimiter dans certaines questions morales
3) L’idée de prendre en compte la personnalité dans toute législation. Dans son élaboration sur la communauté et l’État comme une forme spéciale de communauté, Édith Stein a montré que ces réalités ont une personnalité à l’exemple de la personnalité de l’individu, puisque c’est ce dernier qui rend possible la référence à toute personnalité. Et d’après elle, la personnalité est le fondement de tout développement personnel[3]. Voilà pourquoi toute législation doit tenir compte de la personnalité qu’elle soit individuelle ou collective.

CONCLUSIÓN

L’objectif principal de ma thèse consistait à savoir comment arriver à une vie pour moi et pour les autres en toute liberté intérieure sans me sentir comme entraîné par les conditionnements sociaux ainsi que les influences des idéologies politiques qui proposent et imposent généralement une vision unique du monde dans une société pluraliste.
L’étude de la structure du moi et de la communauté chez Édith Stein fut un moyen pour savoir : quand je peux parler d’une vie pour moi-même et pour les autres ; comment on vit pour soi-même et pour les autres. En plus, je sais qu’une vie pour moi-même et pour les autres signifie avant tout réaliser mon intégration socio-politique en toute responsabilité, en assumant mon identité individuelle et celle que je partage avec d’autres dans la mesure où nous formons une unité de vie.


















[1]Stein, E., Beiträge zur philosophischen Begründung der Psychologie und der Geisteswissenschaften, op. cit.,S. 186.
[2]Ibid., S. 24.
[3]CfStein, E., De l’État, trd. Philibert Secretan, Fribourg, Cerf, 1989, p. 118.

mercredi 17 octobre 2018

AUTORISATION D'EXTENSION DE L'USTA